Buenos Aires, ville de haute densité existentielle. / Buenos Aires, ciudad de alta densidad existencial.

-versión en castellano más abajo- 
J'y ai débarqué à 25 ans,avec ma valise et mon visa de trois mois,  un jour de février 1994. J'y ai vécu jusqu'en 2002, quand nous sommes partis pour un exil in(dé)fini. Mais même si j'ai finalement quitté Buenos Aires, Buenos Aires ne m'a jamais quitté.
Lorsqu'on prétend réécrire son propre personnage sur une page blanche pour devenir quelqu'un d'autre, il faut de la matière, du contenu. On imagine difficilement refaire sa vie en Suisse, pays dont la contribution à la culture mondiale se limite à la pendule à coucou, comme le rappelle Orson Welles dans "Le troisième homme".
Une matière différente, c'est ce que j'étais venu chercher dans la capitale portègne et je suis très bien tombé : la portègnité regorge de matière. Une matière riche, originale, savoureuse et sujette à la dilatation. Cette matière qui gonfle, qui déborde, a rempli tous les interstices de mon esprit.
Parce que Buenos Aires est un monde à elle toute seule, on y vit comme si le reste de l'univers n'existait pas. Et on déroule sa vie dans cet espace réticulé, ordonné, régulier, et fini. On y voyage donc sans cesse sans ne jamais en sortir et on associe une référence urbaine à chaque étape importante de la vie. La ville se mêle ainsi aux émotions, aux joies, aux peines. Jour après jour, chaque nom de rue s'est figé dans mes souvenirs, chaque café a imprégné ma mémoire, chaque ligne de bus, chaque immeuble, chaque allée de jacarandas, chaque station de métro a acquis une importance essentielle dans mon musée existentiel. Après quelques années, ma vie s'est tellement répandue dans la ville, ou la ville sur ma vie, que je ne peux plus l'en dissocier. Et comme tous les portègnes, dix ans après, je peine à trouver une autre ville à la hauteur de Buenos Aires, car Buenos Aires est ma vie.

Desembarqué allí a los 25 años, con mi valija y mi visa de tres meses, un día de febrero de 1994. Viví allí hasta 2002, cuando salimos al exilio infinito. Pero aunque finalmente haya dejado Buenos Aires, Buenos Aires nunca me dejó.
Cuando se pretende reescribir su propio personaje en una página en blanco para convertirse en otra persona, se necesita materia, contenido. Uno no se imagina  reconstruir su vida en Suiza, cuya contribución a la cultura mundial se limita al reloj de cuco, como lo recuerda Orson Welles en "El tercer hombre".
Una materia diferente, eso es lo que yo estaba buscando en la
capital porteña y resultó ser el lugar ideal: la porteñidad desborda con materia. Una materia rica, original, sabrosa y propensa a la expansión. Esta materia que se hincha, que rebosa, rellenó todos los intersticios de mi mente.
Porque Buenos Aires es un mundo en sí mismo, se vive ahí como si el resto del universo no existiera. Y uno desenrolla su vida en este espacio reticulado, ordenado, regular y finito. Por lo tanto, se viaja constantemente sin salir nunca y se asocia una referencia urbana a cada etapa de la vida. La ciudad se enreda así con las emociones, las alegrías, las tristezas. Día tras día, cada nombre de calle se ha quedado en mi recuerdo, cada café ha impregnado mi memoria, cada l
ínea de colectivo, cada edificio, cada arboleda de jacarandaes, cada estación de subte ha adquirido una importancia esencial en mi museo existencial. Después de unos años, mi vida ha sido tan desparramada en la ciudad, o la ciudad sobre mi vida que ya no las puedo disociar. Y como todos los porteños, diez años después, me cuesta encontrar otra ciudad a la altura de Buenos Aires, porqué Buenos Aires es mi vida.

 

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